07 avril 2006

[MANIFS] Propositions de lois liberticides

Vu dans les propositions de loi de l'Assemblée Nationale : une proposition de loi en réponse aux débordements des manifestations anti-CPE. Le texte, même pour les non juristes, est assez équivoque :
il institue (si j'ai bien compris), une sorte de hiérarchie des responsabilités : en première ligne, les organisateurs de manifestation seraient poursuivis s'il y avait des débordements lors d'une manifestation. Puis viendraient les manifestants, puis les éléments externes, venus justes pour la casse... Je vous laisse lire la suite du texte.
N° 2997

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 mars 2006.

PROPOSITION DE LOI visant à encadrer la dispersion et les débordements lors des manifestations et attroupements,

(Renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, à défaut de constitution d'une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

PRÉSENTÉE

par M. Éric RAOULT, Député.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La société française est en proie depuis de nombreuses années à une augmentation des violences urbaines mettant à mal le principe même d'autorité de l'État. Les autorités françaises ne peuvent davantage tolérer ces atteintes à la sûreté des personnes et l'intégrité des biens.

Les récentes émeutes urbaines de novembre 2005 et l'actuelle agitation souvent violente au sein du monde lycéen et étudiant nous montrent à quel point la violence semble se banaliser et devenir un moyen normal d'expression.

La loi du 8 juin 1970 abrogée en 1981 permettait de lutter efficacement contre ces formes de délinquance collective. Or, nous sommes aujourd'hui démunis face à de telles situations.

Il devient urgent de pouvoir sanctionner ces troubles et permettre le maintien de l'ordre au sein de nos villes.

Pour ces raisons, il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

Le chapitre Ier du titre III du livre IV du code pénal est complété par une section 5 ainsi rédigée :

« Section 5

« des conséquences des manifestations et attroupements

« Art. 431-22. - Lorsque du fait d'une action concertée, menée à force ouverte par un groupe, des violences ou des voies de fait auront été commises contre les personnes ou que des destructions ou dégradations auront été causées aux biens, les instigateurs et les organisateurs de cette action, ainsi que ceux qui y auront participé volontairement seront punis des peines de un à deux ans de prison.

« Lorsque du fait d'un rassemblement illicite ou légalement interdit par l'autorité de police administrative, des violences, voies de fait, destructions ou dégradations qualifiées de crimes ou délits auront été commises seront punis :

« 1° Les instigateurs et les organisateurs de ce rassemblement qui n'auront pas donné l'ordre de dislocation dès qu'ils auront eu connaissance de ces violences ou voies de fait, destructions ou dégradations d'une peine de six mois à un an de prison ;

« 2° Ceux qui auront continué de participer activement à ce rassemblement, après le commencement et en connaissance des violences, voies de fait, destructions ou dégradations, d'une peine de trois à six mois de prison.

« Art. 431-23. - Toute personne qui se sera introduite à l'aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte dans le domicile d'un tiers sera punie d'une peine de six mois à un an de prison.

« Sera puni des mêmes peines quiconque se sera introduit par les mêmes moyens, dans un lieu affecté à un service public de caractère administratif, scientifique ou culturel ou s'y sera maintenu irrégulièrement et volontairement après avoir été informé par l'autorité responsable ou son représentant du caractère irrégulier de sa présence. »

Composé et imprimé pour l'Assemblée nationale par JOUVE
11, bd de Sébastopol, 75001 PARIS
Ce texte de loi reste quand même très large d'interprétation :
En cas de débordement, les organisateurs doivent prononcer immédiatement la dislocation du mouvement, dans le cas contraires, ils se verraient poursuivis.

C'est surtout le dernier article qui est important, puisqu'il interdit toute occupation de gare ou d'université. Un bon moyen de rendre tout blocage illégal, quelque soit sa nature. Evidemment, tout est soumis à interprétation diverses, de la plus légère à la plus restrictive.
Ce texte est à deux volets : il concerne d'un côté les manifestations "légales", organisées et prévues, et de l'autre, les manifestations "illégales" (pourquoi pas un "flashmob", ou "rassemblement éclair"), qui pourraient être soumises à des débordements. En clair, tout ce qui n'est pas prévu est sanctionnable. Par ailleurs, lors d'une manifestation organisée, les organisateurs pourraient se voir poursuivis pour ne pas avoir dissous la manifestation à la première poubelle qui brûle... (oui je sais, c'est exagéré).

Toujours est-il que par ce texte de loi, la majorité souhaite plus ou moins museler la population, en ajoutant des clauses presque liberticides. J'en vois dans le fond qui vont me rétorquer "Ma liberté s'arrête là où commence celle du voisin, aussi je suis libre de pouvoir prendre le train sans être bloqués, d'aller en cours sans me heurter à un barrage, de prendre la voiture sans me retrouver coincé à cause de manifestants". Ben oui, un point pour vous, mais quels seront les moyens d'expression du mécontentement de la population? Une manif qui marche au pas de l'oie?

Rassurez-vous, ce genre de loi ne semble pas prête de passer (et si c'était le cas, elle rappellerait les "lois scélérates" prises pour lutter contre les anarchistes à la fin du 19ème siècle), mais est révélatrice des soubresauts d'une République où les rôles ne semblent plus clairement attribués (confusion entre l'exécutif et le législatif, les journaux n'ont que cette expression en ce moment).

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Je ne pense pas qu'une loi visant à réprimer les débordements ayant lieu lors des prochaines manifestations soient liberticides. De plus, si tu avais quelques notions de droit pénal, tu aurais su que la loi pénale n'est JAMAIS interprété largement, elle est d'interprétation stricte, elle n'est donc nterprétée ni de manière extensive ni de manière restrictive. Ensuite, il est logique que les personnes responsables de ces rassemblements soient pénalement responsables des actes commis lors d'attroupements dus à leur initiative. Evidemment, ceci n'est qu'un jugement personnel, et, il serait apréciable de pouvoir en débattre prochainement, sauf biensur si ce commentaire n'est pas publié ou encore si, comme certains articles de ce blog, tu trouvais amusant de "hacker" ce commentaire comme tu as du trouver amusant de "hacker" la paroles de tes contributeurs.

P.S : regarde ce qui s'est passé à la Sorbonne, ce n'est pas digne d'étudiants, mais c'est digne de sauvages ou, pire encore, de barbares. Maintenant, si tu prends leur défense, libre à toi, mais, moi, je n'aurais pas correctionalisé, j'aurais criminalisé dans la mesure où cela tend plus à devenir des actes de terrorisme plutôt que de simples atteintes à l'ordre public...

Damien a dit…

Je ne m'amuse pas à "hacker" les commentaires, puisqu'ils sont publiés dès la seconde où l'on clique sur "envoyer" (encore que je pourrais, si j'activais la modération des commentaires). Par contre les posts des contributeurs, eux-mêmes pourraient le faire sur les miens, nous sommes tous des admins dessus, ça ne pose pas de problèmes (généralement, ce sont pour des corrections mineures ou des ajouts (pour ne pas rajouter un message sur le même sujet).

N'ayant pas des compétences de juristes (ce serait plus Lucas qui pourrait m'aider sur ce coup), il est un peu vrai que je me suis enflammé. Quand à la largesse d'interprétation, elle vaut évidemment pour un projet de loi, où chacun y va de son idée pour prévoir les conséquences qu'une telle loi pourrait engendrer si celle-ci venait à être promulguée (et appliquée).

Pour ceux qui ont mis la zone à la Sorbonne, effectivement, il est difficile de ne pas condamner ce genre d'actes. Mais là encore, il faut faire la différence entre un manifestant qui vient scander des slogans et rentrer chez lui une fois le cortège arrivé à son terme et le type (pas forcément étudiant), qui vient pour squatter ou détruire... Pas surs que ce soient les mêmes personnes.