24 mars 2007

[POLITIQUE] Au secours! Ils sont devenus fous!

Il y a un moment que je n'avais pas repris le clavier pour pérorer céans. Le rabachage quotidien de la présidentielle ne m'a jusqu'à présent pas inspiré quoique ce soit à publier ici. La faute au temps qui file plus vite qu'on ne l'imagine, et surtout parce que l'emballement de la blogosphère et l'usage des services dits "Web 2.0" me tapait sur le système. Voir des vidéos ou entendre des sons du genre "Ségolène elle a encore dit une connerie" ou lire des inepties de groupies brocardant le, la ou les candidats adverses m'a laissé de marbre. Connaitre les dernières turpitudes, les derniers potins tournant autour des candidats ne m'a pas mobilisé, en aucun cas.
J'en entends déjà qui pourraient me dire : "Tu ne t'intéresses pas à l'avenir du pays et caetera et caetera". Ben si je m'en soucie, mais je n'en ai jamais eu le besoin de l'exprimer, de prendre parti, de débattre, de polémiquer. Sans doute fais-je partie de ceux qui ont eu une indigestion d'information politique, qui ont saturé de l'affrontement tant attendu entre Royal et Sarkozy, qui constatent avec désolation que comme d'habitude, ce ne sont que promesses quasiment intenables (l'évaluation des budgets sur cinq ans m'arrache encore quelques spasmes tellement j'ai ri de voir nos candidats, à l'instar de gamins jouant au bac à sable : "c'est moi qui suis le plus économique pour la France!"). De toute façon selon un jeu de simulation qui vient de sortir, les programmes des trois présidentiables les plus en vue actuellement conduiraient la France à l'émeute et au bain de sang!
Bon, ce n'est pas très constructif tout cela, revenons sur notre sujet principal, celui qui m'a conduit à réveiller ce blog. Ce soir, je vais vous parler d'identité nationale.
L'identité nationale, pour certains candidats, c'est manifester une fierté aveugle de son pays (encore que des fois on se demande si c'est encore possible), d'être patriote jusqu'à plus soif, d'arborer des drapaux nationaux lors des fêtes nationales ou encore de beugler l'hymne nationale ailleurs que dans un stade de foot (encore qu'il n'y a presque plus que les joueurs qui chantent, les supporters, chauvins comme ce n'est pas permis passant leur temps à invectiver l' "ennemi" : elle s'exprime pleinement cette identité nationale!).
Qui a dégainé le premier sur cette notion ? Même pas besoin de buzzer et de compte à rebours, vous savez qui c'est! Et il en est fier le bougre, parce qu'à présent tout le monde doit le suivre pour ne pas être largué!

Le candidat de l’UMP s’est dit «heureux d’avoir montré le chemin» à ses adversaires sur cette question.

«Il y a une semaine, Ségolène Royal et François Bayrou disaient que j'avais tort. Madame Royal, avec le sens de la modération qu'on lui connaît maintenant, prononçait même le mot ignoble. Après avoir prononcé ce mot ignoble il y a une semaine, elle fait un discours entier sur l'identité nationale». En Martinique, Nicolas Sarkozy a taclé ses adversaires de gauche et du centre sur la question de l’identité nationale.

Ainsi tout le monde y est allé de son couplet : Ségolène Royal s'est également mise à en parler, selon son point de vue, histoire de ne pas laisser le petit frisé se gargariser tout seul. Enfin, le troisième homme, François Bayrou, de son inénarrable centrisme s'est prononcé sur la question, en bottant les deux premiers en touche par un "Vous faites dans la surenchère". Morceaux choisis :

  • Nicolas Sarkozy : «La France n'est ni une race, ni une ethnie. Comment cela pourrait-il avoir un sens, alors que la France est riche des populations de onze territoires d'outre-mer si divers? La France, c'est une multitude de petites patries qui forment, ensemble, une grande patrie. C'est une façon d'être, de vivre, c'est un idéal, une espérance», a-t-il lancé. (Le Figaro, 24/03/2007)
  • Ségolène Royal : prenant pour cible la proposition de Nicolas Sarkozy de créer un ministère de l'immigration et de l'identité nationale : "Comment ne pas dénoncer cet amalgame insupportable ?, s'est-elle exclamée. Comment accepter ce mélange, cette immigration régulière qui se trouve ainsi désignée à la vindicte populaire ? Ma conception de l'identité nationale c'est, bien sûr, de lutter contre l'immigration clandestine, mais en mettant fin aux migrations de la misère par une politique courageuse de codéveloppement et en changeant en profondeur la politique africaine de la France". "En voilà assez, a-t-elle poursuivi, de cette indifférence, de cette mollesse diplomatique, de cette hypocrisie (...) et cela aussi, c'est du projet contre projet." (Le Monde, 23/03/2007)
  • François Bayrou ; "J'aime beaucoup la France, je suis bien dans mon pays, mais cette obsession qui fait qu'il va falloir avoir des drapeaux et les mettre à la fenêtre tel jour, et que la présidente de la République va vous dire ce qui est bien et ce qui est mal, ça ne ressemble pas à mon pays, a déclaré devant la presse le candidat UDF à la présidentielle. Tout ça, c'est la société américaine." (Le Monde, 24/03/2007)
Ce qui est quand même dingue, c'est d'entendre cette idée d'identité nationale de la part de quelqu'un qui fait expulser à tour de bras des individus qui, pour certains, vivent et qui se sont intégrés en France. A ses yeux, l'identité nationale, conjuguée à un ministère de l'immigration, c'est conserver ce qui nous plait et virer ce qui nous plait pas, et conserver une pseudo-identité, pourtant enrichie par l'apport des immigrants de toute région du globe.

Concernant le coup des drapeaux et de la Marseillaise, je ne suis vraiment pas chauvin à ce point. Franchement, afficher partout des drapeaux aux fenêtres pour dire face au caméras : "ici, c'est la France", c'est se comporter comme aux USA : en suivant un patriotisme aveugle, alors que leurs soldats se font joyeusement poutrer dans un pays dans lequel ils ne veulent plus rester (pensez à la séquence du drapeau tournée chez une mère d'un soldat dans Farenheit 9/11, le brulot de Michael Moore). Il s'agit d'usages qui ne sont pas les nôtres. Les seules fois où j'ai vu des drapeaux français aux fenêtres, c'était lors de la dernière coupe du monde de football (dire qu'on a du bouffer pendant toute la durée du Mondial ce patriotisme à la noix parce qu'ils avaient réussi à ne pas être suffisamment mauvais pour se faire éliminer avant les quart de finale!).
Par contre, je serai plus nuancé pour la Marseillaise. Ce texte est historique, il n'est pas primordial de connaitre les sept couplets, mais plutôt d'avoir des notions le contexte de rédaction (la Révolution Française, représente les racines de notre pays). Je trouverais ridicule qu'on nous impose de la chanter avant d'entrer en cours, en faisant un salut au drapeau. Il y a quand même des limites au grand guignolesque.

Concernant ces déclarations, j'attends de voir. Ne comptez pas sur moi pour faire un salut au drapeau, c'est vraiment patho! Je suis français, je respecte le pays, les institutions, théoriquement la législation, je vois pas pourquoi il faudrait suivre des règlementations supplémentaires, il y en a déjà suffisamment de stupides en vigueur! (Le Big Bang Blog en a également parlé)

Stay tuned for more...

Edit 26/3: D'ailleurs une partie des autres candidats s'inquiètent de cette course : Marie Georges Buffet et Olivier Besancenot voient dans ces déclarations à la volée un risque de récupération par Jean Marie Le Pen, qui visiblement n'attend que cela.
A cela, le Parti Socialiste a apporté des précisions pour se démarquer de la conception de l'identité nationale prônée par Nicolas Sarkozy : "Le patriotisme du coeur contre le patriotisme de la peur."

Au PS, quelques voix se sont élevées pour soutenir la candidate. Jean-Marc Ayrault, chef de file des députés, a expliqué que Mme Royal entendait "réhabiliter le patriotisme du cœur", alors que Nicolas Sarkozy "véhicule un patriotisme de la peur". Le secrétaire national PS à l'égalité, Faouzi Lamdaoui, a jugé qu'il était "du devoir de la gauche de restituer au peuple les symboles de nation", tandis que Julien Dray, porte-parole de la candidate, a fait valoir qu'il s'agissait "de ne pas laisser les attributs de la République à d'autres". (Le Monde, 26 mars)
La morale - très certainement temporaire de cette histoire, c'est que cette année, pour une présidentielle aussi disputée, tous les thèmes, même les plus accessoires vont être passés en boucle! Et constatez l'efficacité du mode "pompier pyromane" de Sarkozy