25 mars 2006

[GREVE] Discussions écourtées, casse, intransigeance... Où la sortie de crise devient de plus en plus pressante

Une chose est sûre et déjà affirmée sur ce blog depuis le début du conflit sur le CPE : que ce soit du côté du Premier ministre et de son entourage, ou bien du côté des manifestants, jeunes ou adultes, personne ne veut infléchir sa postion. L'affrontement tourne donc au bras de fer, à celui qui tiendra le plus longtemps, à celui qui cèdera en premier. Plusieurs facteurs peuvent conduire à cette rupture :
  • Un mouvement de grève paralysant la France, reconductible de jour en jour, type de celui qui a eu lieu en décembre 1995 (nous étions peut être trop jeunes pour en saisir les tenants et les aboutissants, mais nous avons peut être des souvenirs associés, tels nos parents rentrant très tard à cause des trains ou des embouteillages).
  • Une radicalisation des manifestations, non pas du fait des étudiants (qui tiennent pour la majorité à faire du combat contre le CPE une lutte sans trop d'accrocs avec les forces de l'ordre), mais plutôt des casseurs, qui voient dans ces rassemblements l'occasion de casser, frapper et voler. Cette violence pourrait tout à fait être profitable au pouvoir. En effet, du fait du retentissement médiatique, des images de malades en train de se défouler sur une voiture ou une vitrine, certains manifestants potentiels seraient enclins à rester chez eux plutôt que de risquer de se retrouver détroussé ou avec des contusions. Cela fait donc des manifestations moins "grosses", donc un dégonflement potentiel du mouvement.
  • En même temps, le fait de laisser s'installer l'insécurité risque de mener à l'escalade : il ne serait pas étonnant si cela persiste de voir des commerçants ou des manifestants exaspérés (ou extrémistes) sortir le fusil ou le couteau. Dès qu'il y aura un cadavre, un point de non retour sera franchi. Et dans l'idéal, il serait fortement préférable de ne pas en arriver jusque là.
  • L'enlisement du dialogue n'est pas non plus un bon présage, car il risque de lasser et d'un côté les manifestants les moins motivés ou ceux qui sont contre les blocages des universités (encore une fois, je rappelle que cela ne concerne pas l'UVSQ et que certaines facs considérées comme bloquées ont été fermées par l'administration), de l'autre, des députés, notamment de la majorité, qui voient leur parti se rendre de plus en plus impopulaire (antinomiquement à leur slogan), et qui souhaitent lâcher du lest pour éviter la catastrophe des élections (surtout qu'avec encore un an et quelques mois, les sujets de mécontentement ont encore le temps de surgir).
Où est-ce que je veux en venir, me direz-vous? Eh bien, ce qui précède pourrait servire de prospective aux évènements de la fin de la semaine et du week-end.
Jeudi : la manifestation est entâchée par des débordements de casseurs, à la fin de la manifestation, place des Invalides. Naissent des polémiques sur l'intervention tardive des forces de l'ordre lors de la dispersion des manifestants. Toutefois, le ministre de l'Intérieur ne souhaite pas lancer des charges de CRS en plein milieu des bagarres. Toujours est-il qu'il souhaite anticiper l'arrestation de ces éléments qui pourrisent le mouvement.
Vendredi : les syndicats de salariés sont invités à discuter "sans à priori" avec le Premier Ministre. L'entrevue a duré une heure, et les deux partis se sont quittés sans avancer. D'ailleurs, les syndicats promettent désormais de plus revenir à Matignon tant que le CPE ne sera pas retiré. En témoigne cet article du Nouvel Observateur [> :
On ne les y reprendra plus: face au "refus total" du Premier ministre de faire machine arrière vendredi lors de sa rencontre avec les confédérations syndicales, la CGT et FO ont déjà annoncé qu'elles ne retourneraient pas à Matignon sans retrait du CPE. Dominique de Villepin leur avait en effet proposé, ainsi qu'aux organisations de jeunes, de les revoir dès "la semaine prochaine".
"Pourquoi faire?", a expliqué samedi à l'Associated Press Jean-Claude Mailly, patron de FO. "Si le Premier ministre accepte le retrait, on est prêts à le revoir pour discuter de tous les problèmes de précarité et d'emploi des jeunes. Mais si c'est pour recommencer une séance comme celle de vendredi et nous proposer de simples aménagements, ça ne sert à rien de s'y rendre!". "Ce sera difficile d'y aller tant que le Premier ministre campe sur sa position", a confirmé à l'AP Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire confédéral de la CGT.
Quant aux jeunes anti-CPE (UNEF et Confédération étudiante; UNL et FIDL côté lycéens), ils réservaient leur réponse samedi en début de soirée. A midi, faute de retrait du CPE, ils avaient boycotté la réunion à laquelle les avait conviés Dominique de Villepin, le laissant face aux syndicats minoritaires (UNI, FAGE et PDE). La veille, ils avaient déjà décliné l'invitation du ministre de l'Education Gilles de Robien. L'intersyndicale (syndicats, jeunes, FSU et UNSA) se réunira mercredi pour adopter une position commune.
Enfin, Samedi, Dominique de Villepin souhaite rencontrer les membres des syndicats étudiants. Seule l'UNI (droite) et la FAGE (semblant apolitique), notamment ont répondu à l'appel, mais sans que la situation avance de nouveau. La seule nouveauté, est la nouvelle fluctuation dans la ligne de conduite vis à vis du CPE : cette fois-ci, il semblerait prêt à modifier le cadre d'application, notamment sur les deux ans d'essai et la justification de rupture. Mais cela ne satisfait personne.
La volonté affichée samedi par Dominique de Villepin de "répondre" aux préoccupations "rapidement", "par le dialogue", notamment sur les "deux préoccupations majeures" que sont la période d'essai de deux ans et la rupture du CPE, a donc été accueillie avec scepticisme. La seule piste concrète annoncée, le "prolongement des bourses étudiantes" jusqu'au premier emploi, ne concerne pas le CPE.
Autrement dit, rien d'intéressant. En plus, on constate que le CPE ressemble de plus en plus à un élément peu considérable de la part de nos deux plus grands hommes politiques (grands ni en termes de taille ou de qualité, mais plutôt en termes de postes, président de la République exclus) : une bonne grosse partie d'échecs, où chacun y va de son idée pour faire passer quand même le CPE sous d'autres formes (l'idée de Nicolas Sarkozy de faire une expérimentation de 6 mois) ou bien la tentative de conciliation de la dernière chance (un coup dans l'eau pour Dominique de Villepin). L'issue de la partie, on la connait, elle sera en 2007. Reste à savoir qui sera en situation d' "échec et mat". Le problème, dans tout cela, c'est que les revendications des jeunes et des salariés ne semblent pas prises en compte (malgré les déclaration du Premier Ministre affirmant qu'il a entendu les revendications... cela marche très bien ce genre de phrase, De Gaulle l'a utilisée en son temps!). Toujours est-il que pour éviter une montée des périls et un enlisement de la situation, la mise aux oubliettes d'une loi dont personne ne veut serait la meilleure solution.

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