02 avril 2006

[C.P.E] Débats générationnels...

Lu sur le Big Bang Blog (regroupant l'équipe de la très bonne émission Arrêts Sur Images, sur France 5), disponible dans les liens ci-contre : Alice Rufo, la fille du pédopsychiatre Marcel Rufo, normalienne, lance une réponse à son père sur la situation de sa génération par rapport à la sienne, celle de mai 1968. Ce dernier, concernant la "crise" (puisqu'on peut l'appeler comme cela désormais, une fronde de la jeunesse face à ses dirigeants), préférait que les étudiants passent leurs examens puis "convoquent des Etats Généraux". Le texte intégral est visible sur un article de l'Express :
J'ai bien peur que l'idée de faire des états généraux de la jeunesse - comme, en 1789, on avait convoqué le tiers état pour connaître ses doléances - ne soit précisément le signe d'un conflit de générations. La jeunesse n'est pas une classe sociale mais l'avenir, c'est-à-dire la seule classe générationnelle qui compte. Tu te souviens du mot de Sieyès?
1. Qu'est-ce que le tiers état? Tout.
2. Qu'a-t-il été jusqu'à présent dans l'ordre politique? Rien.
3. Que demande-t-il? A être quelque chose. Que demandent les jeunes? A être quelque chose. De fait, ils ne sont rien. «Il faut qu'ils aillent passer leurs examens», dis-tu. Le postulat de ta génération, c'est: «Les diplômes, quels qu'ils soient, permettent d'avancer.» C'est vrai, mais moins qu'avant. C'est là tout le problème.

La génération qui dirige actuellement le pays est issue d'une forte période de croissance et a fait ses études pendant cette période bénie où il suffisait de travailler pour avancer. Aujourd'hui, le travail et les études ne suffisent plus. Mais le pire, ce n'est pas le manque de dynamisme de l'économie et le marasme social. C'est que, face à ces problèmes, notre génération ne se sent pas comprise, et encore moins soutenue. Il est très nouveau dans l'histoire de l'humanité qu'une génération fière de sa réussite se détourne des problèmes de la génération suivante et supporte que la situation soit pire que ce qu'elle a connu.

Tu sais, aujourd'hui, le problème, c'est que les jeunes ne travaillent plus (comme c'était votre cas) dans une perspective ascendante, mais seulement pour s'en sortir, se mettre à l'abri, limiter les difficultés. C'est quand même un gros changement d'époque.

Aujourd'hui, on demande à des jeunes à qui on laisse un système éducatif dans un état pitoyable, une dette publique colossale, des retraites hallucinantes à payer, une absence totale de perspectives de prendre encore sur eux le coût de l'ajustement. Il est normal que ça explose. Flexibiliser le marché du travail pour que les entreprises embauchent davantage, oui, sûrement, mais alors avec un système de formation qui tienne debout, un ascenseur social qui redémarre, un véritable investissement dans la recherche, des diplômes adaptés au fonctionnement de la société et qui ne soient pas des leurres. Nous ne demandons pas d'avoir mieux. Mais au moins autant que votre génération. C'est une première, pour une révolution. Nous voulons avancer, nous aussi. Des états généraux, pourquoi pas? Mais, si ça ne débouche pas sur un vrai dialogue, l'ascenseur social méritocratique républicain va finir par se transformer en un avion pour les Etats-Unis au sommet et par un baril de poudre en bas.

Tu dis toujours qu'il faut devenir ce qu'on veut devenir. Mais comment? Cette époque et ce pays sont si tristes…
En résumé, on pourrait presque dire que la génération 1968 s'est battu pour elle mais pas pour sa descendance. Que pourrait-on faire pour solutionner le problème? Des réformes, oui mais quelles réformes? Il semble difficile de gouverner la France tant les oppositions sont diverses et variées, et correspondent à un besoin vital, celui d'avoir de quoi vivre convenablement.
"L'avion pour les Etats Unis" renvoie en fait à la fuite des cerveaux. Par exemple, pour un maître de conférences dans une université, pour peu qu'il soit renommé, est immanquablement appelé par des universités étrangères qui sont prêtes à lui offrir le double voire le quadruple de sa paie en France. Evidemment que c'est tentant.
Nous sommes en 2006, la France se réveille avec une crise structurelle, réflexion d'un pouvoir à bout de souffle depuis quatre ans bientôt. Car comme l'a expliqué Elodie dans son post précédent, une des dernières allocutions de notre Président de la République nous l'a montré "Usé, vieilli, fatigué" comme disait un certain ex-homme politique dès 2002. Il se retrouve avec une société qu'il n'a pas vu évoluer, avec un gouvernement qui le dénie de plus en plus (la partie d'échecs entre De Villepin et Sarkozy) et une côte de popularité en chute libre.
Son allocution devait tenter de calmer la situation, cela a un peu changé, certes, on ne parle plus tellement de retrait du CPE, mais d'une espérance que les parlementaires UMP, qui sont de nouveau chargés de préparer un nouveau texte, ne fassent pas apparaître un CPE v2.0 mais plutôt un texte abrogeant le précédent (en tout cas, c'est le souhait de la CFDT). Bien que je soit septique de la suite du mouvement : après la manifestation de mardi prochaine, se dirige-t-on vers une "mise en veille" de la mobilisation le temps que le texte soit promulgué (dans un mois, deux mois, trois mois?), et qui pourrait se réveiller qu'au moment où le texte sera prêt à être vote?
Et le fait que le Parlement reprenne ses prérogatives ne serait-il pas une sorte de désaveu de Dominique de Villepin (bien que l'intéressé s'en défende)? En tout cas, il est inutile désormais qu'il pense à ses rêves de présidence. Le mieux qu'il ait à faire, est de redescendre tout en bas de l'échelle politique : se faire réellement élire comme député, puis remonter petit à petit... Rendez vous dans quelques annés pour revoir sa crinière argentée de poète à ses heures.

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